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Huit années après l’entrée en vigueur du RGPD, l’actualité française réaffirme que la protection des données personnelles s’applique également aux professionnels et dirigeants des sociétés. En effet, une décision récente concernant une dentiste souhaitant supprimer sa fiche Google My Business et un décret permettant aux dirigeants de sociétés d’occulter certaines de leurs données personnelles illustrent cette même tendance : la protection des données personnelles s’applique également à la sphère professionnelle.
Ces évolutions invitent à repenser les fondements juridiques du traitement de ces données « professionnelles » dont la nature particulière réside dans le lien étroit avec une activité économique. Comment concilier la transparence économique et la protection des données personnelles des acteurs économiques ?
En mai 2025, la Cour d’appel de Chambéry a condamné Google pour avoir refusé de supprimer la fiche Google My Business d’une professionnelle de santé ayant exercé son droit à l’effacement (2e chambre, 22 Mai 2025 – n° 22/01814). Pour rappel, une fiche Google My Business référence automatiquement les professionnels dans le moteur de recherche de Google et affiche diverses informations relatives à ces professionnels — nom, adresse, numéro de téléphone, horaires…. Les internautes peuvent également publier des avis concernant ces professionnels, sans vérification préalable du professionnel ni de Google. Ces fiches Google My Business sont ainsi créées sans le consentement des professionnels qui sont invités à s’identifier auprès de Google afin compléter, mettre à jour les informations de leur fiche et répondre aux commentaires en souscrivant à ce service payant.
Dans cette affaire, une chirurgien-dentiste avait constaté la présence d’avis négatifs sous sa fiche Google My Business, auxquels elle ne pouvait pas répondre conformément à ses obligations déontologiques. Elle avait donc avait adressé une demande d’effacement de sa fiche à Google qui a refusé cette suppression. La professionnelle de santé a alors saisi les juridictions françaises qui ont considéré le traitement des données comme illicite et ordonné la suppression de la fiche sous astreinte en condamnant Google. La société a ensuite interjeté appel de cette décision et les juges de la Cour d’Appel de Chambéry ont confirmé la décision de première instance. Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la CJUE depuis 2017 et encore rappelé en avril 2025 affirmant que les informations permettant d’identifier une personne physique, même dans un contexte professionnel, sont des données personnelles et nécessitent d’être traitées conformément au RGPD.
Que retenir de cette nouvelle décision ?
Cette décision confirme une tendance nette et conforme à la jurisprudence européenne: le RGPD protège également les professionnels et leurs données personnelles doivent être traitées en vertu d’une base légale adéquate. Elle incite les plateformes à repenser leurs bases légales et à potentiellement auditer les traitements de données des professionnels pour s’assurer de leur conformité.
Le 22 aout 2025, le législateur a adopté un décret passé quasi-inaperçu dont la portée et les effets pour les dirigeants sont pourtant considérables. Les dirigeants de sociétés peuvent dorénavant demander l’occultation des informations relatives à leur domicile personnel figurant au registre du commerce et des sociétés.
Avant cette date, l’accès public aux adresses personnelles des dirigeants était aisé, exposant certains d’entre eux à des risques réels de sécurité. Plusieurs affaires, dont celle du co-fondateur de Ledger et de son épouse, victimes d’un enlèvement en janvier 2025, ont illustré ces dérives. Face à ces menaces, de nombreux dirigeants avaient formulé des demandes d’effacement ou de rectification telles que prévues par le RGPD auprès des greffes et tribunaux afin d’obtenir la suppression de leur adresse personnelle des documents et bases publiques. Or ces démarches se sont souvent révélées infructueuses, faute de pouvoir démontrer des motifs légitimes à cette demande de suppression.
Ainsi, ce décret a pour objectif de simplifier ces démarches, réduire les risques d’agression, de harcèlement et/ou de cyberattaque pour les dirigeants d’entreprise, tout en garantissant la continuité de l’accès aux informations nécessaires pour les institutions et autorités compétentes. En pratique, certaines données personnelles doivent toujours être transmises dans le cadre des formalités d’entreprise afin de garantir la transparence de la vie des affaires et la sécurité des échanges économiques. Toutefois, toutes ces informations n’ont plus vocation à être librement accessibles au public.
Désormais, lors des formalités d’entreprise effectuées via le guichet unique de l’INPI, les dirigeants peuvent demander la confidentialité des informations relatives à leur domicile personnel. Il leur est également possible de modifier les paramètres de confidentialité ou de solliciter l’occultation de ces données pour les sociétés déjà enregistrées. L’occultation ne signifie pas l’effacement des données: les informations demeurent accessibles aux autorités habilitées (ex : Tracfin, administration des douanes, notaires, URSSAF, etc.) pour l’accomplissement de leurs missions légales, notamment en matière de lutte contre les détournements de pouvoir.
A noter que ce nouveau dispositif se différencie des droits classiques reconnus par le RGPD (effacement, rectification) puisqu’il s’agit d’un droit autonome, absolu et sans obligation de motivation, dont l’exercice est toutefois subordonné au paiement d’une redevance.
Ce nouveau dispositif rappelle la fonctionnalité de confidentialité déjà proposée par l’Association française pour le nommage Internet en coopération (AFNIC), permettant aux titulaires de noms de domaine d’occulter leurs données d’identification dans les bases publiques. Les informations demeurent ainsi accessibles pour les agences, les bureaux d’enregistrement et les autorités compétentes, mais sont masquées pour le grand public.
Ces deux évolutions récentes illustrent la recherche d’un équilibre durable entre les exigences de transparence économique et la protection des données personnelles des professionnels, désormais pleinement intégrées dans le champ d’application du RGPD.
Le message est clair pour les entreprises et plateformes dont l’activité repose sur le traitement de données de professionnels à ces données relèvent bien du RGPD, il convient donc de :
Pour toute question ou besoin d’accompagnement, n’hésitez pas à contacter notre équipe IT/Data !
Clémentine Beaussier, avocate associée chez Squair
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